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Les enfants des planètes 

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L’Homme tente de comprendre les différentes personnalités de chacun et d’en apprendre davantage sur leur avenir et leurs objectifs de vie depuis l’Antiquité. Cet intérêt conduit les Hommes à s’orienter vers des croyances telles que l’astrologie. Cette discipline de « discours des astres » est alors confondue avec l’astronomie (la science des astres) jusqu’au XVIe siècle. Or, en réalité, l’astrologie se compose de récits qui n’ont aucun fondements scientifiques. Cependant, les systèmes de répartition des personnalités et des destins de chaque individu remportent beaucoup de succès.

Prémices de l'astrologie

D’abord, au IVe siècle av. J.-C., la médecine européenne antique, dont sa principale figure : le médecin Hippocrate, présente une théorie concernant les maux et les caractères de chacun. Il s’agit de la théorie des quatre humeurs selon laquelle un corps est constitué d’éléments tels que le feu, l’eau, la terre et l’air. Ces quatre éléments sont liés à des qualités comme le sec, le chaud, le froid et l’humide.

 

Selon cette idée, des déséquilibres entre les quatre éléments pourraient engendrer des problèmes de santé, notamment lors des changements de saisons. Ces éléments renvoient également à des « humeurs ». Par exemple, le feu est colérique, la terre est triste, l’eau est calme et l’air est joyeux. On y retrouve alors des fondements similaires à ceux de l’astrologie : la nature pourrait régir les qualités des Hommes.

Les enfants des planètes ?

Mais il faut attendre le IVe siècle ap. J.-C. pour qu’un auteur et philosophe antique nommé Macrobius reprenne cette manière de penser. Effectivement, il rédige Saturnalia  et Le Commentaire du Rêve de Scipion dans lesquels il reprend la pensée platonicienne de la descente de l’âme via les sphères des planètes. Dans ces récits, l’auteur rattache chaque planète à un groupe d’individus selon leur date de naissance.

Ces planètes sont elles-mêmes associées à des traits psychologiques à la manière des quatre éléments. Par exemple, Saturne est liée à la mélancolie, contrairement à Jupiter qu’on associe à la jovialité. Ainsi, cette théorie est donc davantage précise que la précédente et gagne rapidement en popularité, notamment à la Renaissance grâce à l’invention de l’imprimerie. On publie alors des éphémérides et des almanachs abordant l’astrologie. La gravure accélère également la diffusion de cette théorie et de son iconographie. On peut à présent citer la théorie des enfants des planètes.

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Selon la théorie des enfants des planètes, les enfants sont réunis sous la direction d’une planète maîtresse. Chaque planète offre des dons différents. Les représentations de cette théorie gagnent rapidement en popularité, car elles sont diffusées à l’ensemble de la population : via les gravures luxueuses des manuscrits pour les plus fortunés et via la xylographie pour des ouvrages populaires. Mais on retrouve également cette iconographie sur des fresques, notamment dans les appartements des Borgias au Vatican.

L’invention de l’imprimerie permet aussi l’essor des livres médicaux et astrologiques. Ces représentations sont souvent accompagnées d’explications décrivant les effets des planètes sur les êtres et d’illustrations anthropomorphiques. Ces représentations évoquent les centres d’intérêts, les métiers, le physique, la santé des individus selon leur planète. Ainsi, l’iconographie de ces estampes est souvent semblable entre les artistes.

Mieux comprendre les estampes

Prenons l’exemple des enfants dont la planète maîtresse est Saturne. Selon l’astrologie, les enfants de Saturne appartiennent aux signes du Capricorne et du Verseau. On les décrit comme des personnes jalouses, oisives, mélancoliques, avares, fourbes.

On précise aussi qu’ils sont souvent sujets à diverses maladies (fièvre, tumeurs,...). Mais on aborde aussi leur trépas puisqu’ils sont censés rencontrer la mort lors d’une noyade, d’un empoisonnement ou d’une suffocation. 

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Concernant les gravures, la majorité du temps, les dieux et déesses symbolisent les planètes. Ils sont représentés en haut de l’estampe : ils sont debout dans les nuages, ils chevauchent leur destrier ou un char tiré par des animaux fantastiques. Ici, le char de Saturne est tiré par des dragons sinistres qui symbolisent son statut de titan.

Dans les coins supérieurs de l'œuvre, on retrouve les signes astrologiques concernés et leurs symboles. On retrouve cette composition sur les deux premières gravures : Herman Jansz Müller, d’après Maarten Van Heemskerck, La Planète Saturne et ses enfants, et Jan Sadeler I d'après Maarten de Vos, Les sept planètes : Saturne, 1585.

Les deux gravures présentent l’enfant de Saturne au centre. On l’identifie par son physique âgé (il est barbu, il a les cheveux longs, son dos est courbé) et son statut divin (il a des cheveux longs et bouclés et une musculature saillante).

 

Mais il dispose également de son attribut : sa faux qui rappelle le moment où il émascule son père Ouranos et le symbole de sa planète (♄).

 De plus, il est représenté en train de dévorer l’un de ses enfants par peur qu’ils ne lui dérobent le trône. Selon la mythologie, Saturne avale tous ses enfants excepté Zeus, caché à la naissance par Rhéa. En outre, Saturne est le dieu du temps et de l’agriculture. Il serait à l’origine du progrès agricole italien durant l'âge d’or. 

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​Cependant, sur ces deux gravures, ce n’est pas la réussite de Saturne qui est évoquée, mais les qualités et la santé de ses enfants. En dessous de ces deux œuvres, on retrouve des inscriptions latines qui énumèrent les traits physiques et moraux des enfants. Mais l’inscription sur la gravure de Jan Sadeler explique aussi les maux et la mort des enfants de Saturne. Ces précisions médicales issues des ouvrages populaires sur l’astrologie datant de la Renaissance se retrouvent également dans ces séries d’estampes.

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Bien que ces estampes se focalisent sur les signes astrologiques, on remarque aussi le lien étroit entre le Dieu Saturne et ses enfants capricornes et verseaux. Les personnes nées sous la régence saturnienne sont tournées vers le travail de la terre.

 

Dans leur partie inférieure, on représente la vie terrestre de ces enfants. Effectivement, sur l’œuvre de Van Heemskerck, on y voit des pèlerins handicapés, des mendiants affamés qui reçoivent du gruau de la part d’un moine. Un enfant pauvre saisit un morceau de pain. Ces personnages représentent les capricornes et les verseaux qui dépendent de la charité.

 

À leur droite, on observe des prisonniers qui assistent au sermon d’un visiteur à un criminel jugé coupable qui est pieds et poings liés au pilori. En effet, Saturne est le dieu protecteur des pauvres, des malades et des prisonniers. Mais Saturne aide aussi les agriculteurs, comme le montre les scènes de labourage d’un champ, représentant un homme tuant un cochon et des jeunes gens qui fauchent du blé. Ces activités des enfants de Saturnes sont copiées de la série des Planètes de Georg Pencz (conservée au Louvre), sa principale source d’inspiration.

Marteen de Vos reprend grandement la composition de Van Heemskerck. Mais on observe des variations d’iconographie dans les activités des enfants. Cela signifie que les caractéristiques et les prophéties du XVIe siècle au sujet des enfants des planètes ne doivent pas être prises trop au sérieux tant la variété des opinions qui circulent est grande.

 

Au premier plan, à gauche, on voit des mineurs, qui récoltent et trient sûrement du plomb, métal symbolique de Saturne. À droite, des personnes semblent remercier le ciel ; Saturne fait donc apparaître d’immenses champs verdoyants par ce halo de lumière qui émane de son nuage. Une femme prépare de la nourriture pour un pauvre affamé.

 

Tout à droite, un personnage, qui semble être un vieil homme sage au vu de sa longue barbe, de sa posture et de la lumière à ses côtés, lumière qui symbolise le savoir. Il indique la roue zodiacale sur son ouvrage, sûrement pour rappeler la saison de Saturne et donc du capricorne et du Verseau. Ici, Van Heemskerck insiste sur l’intérêt de la venue de Saturne qui aide les plus démunis et qui amène l’abondance agricole.

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Ainsi, l’iconographie de ces gravures est très similaire malgré quelques détails qui divergent.

 

Cependant, au XVIe siècle, le graveur hollandais Hendrick Goltzius propose lui aussi une série des Planètes en 1596. Il inclut alors l’allégorie traditionnelle de la planète dans une scène bien plus réaliste. Néanmoins, on retrouve la légende selon laquelle Saturne dévore ses enfants pour éviter qu’ils ne lui dérobent le trône.

Mais la nouveauté réside dans le remplacement de la figure divine présente dans le ciel par une statue sur son piédestal, qui règne dans un paysage. Saturne est entouré par ses enfants vêtus d’habits contemporains qui exercent leurs activités quotidiennes.

 

Ce paysage est agricole et paysan avec des agriculteurs qui fauchent le blé. Autre originalité : l’artiste change l’ordre des planètes, la première planète devient Saturne, planète la plus éloignée de la Terre.

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